Texte et Poésie

PRESTIDIGITATRICE

Tentons de nous figurer ce qui se passe quand, d’un coup d’aile, l’oiseau gracile fond sur l’insecte minuscule et le saisit de son bec pour l’avaler : la promptitude, la précision, la beauté de l’acte mais aussi sa naturelle cruauté. L’œil et l’instinct.
C’est à cette belle précision et à cette cruauté cinglante que l’on se prend à songer devant ce que nous montre Béatrice Dannemard (alias Lem Niarty). On y trouve la même vivacité, la subtile élégance admirée chez l’oiseau – ainsi est programmé le volatile – mais aussi la même candeur résolue et le feu intérieur. On s’y perd dans une sorte d’imagerie "scientifique" compliquée, raffinée mais comme subvertie par un souffle de folie dadaïste. Savant mélange de rigueur et de fantaisie. Classique et baroque à la fois.
Du bec des oiseaux aux travaux d’aiguille, le rapprochement est aisé. Ce n’est pas faire injure au féminisme que d’évoquer ici ce qu’on désigne, avec parfois un sourire condescendant, par l’expression "ouvrages de dames" (broderie, point de croix, dentelle, canevas, tricot...) ; or dans les réalisations de Dannemard se devine une certaine parenté avec ces activités, mais d’autant moins regrettable qu’on ne retrouve pas ici la moindre mièvrerie, le moindre kitsch involontaire. La minutie, l’exécution à la fois méticuleuse et tranchante sont sous-tendues par une réflexion d’une exigence et d’une acuité peu communes[...]

Jean-Claude Lardrot

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Merci à Véronique Lardet et Sténie Boissay pour leurs textes écrits spécialement pour mes images.

Juste courir la ville

Dans mon dos, souffle de la bouche
De métro ? Non, du passant qui se presse
Sous les toits, fuyant la tôle
Un peu de moi frôlant d’autres épaules
Dans mes veines, pulsations des artères urbaines
Sous mes pieds le halètement de l’asphalte
Garder le rythme ! Garder le rythme !
Coude au corps
En fond sonore
Les gémissements des moteurs
La respiration de tout ce qui bouge
Avaler le bitume
Abolir la distance
Oublier les anonymes qui défilent
Juste courir la ville.

Véronique Lardet

LA VESTALE CACODYLATE

Ma peau est ma bible et elle n’a pas d’apôtres pour m’embrouiller. Je laisse derrière moi les miasmes des conglomérats. Mon âme est une lisse armature de métal et de feuilles qui n’accepte aucun dogme mais qui s’empourpre de l’empreinte des roses. C’est donc moi la femme écervelée que vous écartez de vos principes et j’en suis ravie sous mes airs organiques car j’ai dans la tête la sève du désir de vous déplaire.
A l’encre cacodyle, j’ai écrit mes visions bestiales. Elles vous pétrifieraient en statues de sel si vous osiez. Mais vous n’osez jamais. Mon bestiaire est un atour qui me protège de vos regards morveux, une signature en bas de vos reconnaissances de dette auxquelles je ne m’acquitterai jamais. Je chevauche des lions dont je tire les oreilles, je repeins les ailes des papillons, j’apprends au singe à faire des grimaces. Je gonfle ma poitrine comme un oiseau mâle qui souffre du dard. Je suis la vestale cacodylate, la femme venin.
J’ai dans la main droite la racine de vos pires cauchemars et dans la gauche, une petite graine que je garde pour l’avenir, une sorte de dernière chance que je dédaignerai peut-être vous livrer dans un geste de théâtre. Pour vous, j’ai cet espoir infime de rédemption qui me rend parfois tendre comme un pétale, humaine comme un container.
Regardez-moi dans l’œil si vous osez, vous qui n’osez jamais et vous verriez comme la vie est une singerie à sublimer. Faites rêver vos poubelles. Torsadez vos gouttières. Aimez vos bas de porte. Le spectacle est partout.
Que m’importe si mes incantations vous semblent ridicules comme les lubies d’une femme délaissée, qu’elles soient chimères ou soliloques, scénario catastrophe d’un mauvais augure.
Car si je me fais du cinéma, c’est moi que je réalise.
Et c’est vous qui regardez.
CLAP

Sténie Boissay

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